DÉCHØUKAJ

22MÉ(2) 26JIYÉ(2) 2020






WANAKAERA ~ MATININÓ ~ MADININA
MARTINIQUE, COLONIE FRANÇAISE
[ sa ki fèt ] 2020


 
2025 : LE PROCÈS

5, 6 et 7 novembre : procès du déchøukaj de 2020


#déchøukaj   #colonialisme   #justice


2025 : LE PROCÈS


@jay_asani et @erzuliemouna — 2025


2022 : PREMIÈRES ARRESTATIONS


“ Qui a effacé quoi ? Qui efface quoi dans cette Histoire ? ”


#déchøukaj   #répression   #justice

Début Mai 2022. Deux ans après le déboulonnage des statues symbolisant l’ordre colonial et impérialiste français, la Martinique a été le théâtre d’une vague d’arrestations dont le déploiement disproportionné des forces de l’ordre a provoqué l’indignation au sein de la population.
Dès l’aube, des dizaines de gendarmes armés investissent les rues du nord au sud de l’île, pour interpeller les huit personnes suspectées d’y avoir participé en 2020. Sous le regard de leurs proches mis·es en joue par des gendarmes, des Martiniquais·es sont menotté·es, placé·es en garde à vue, pour certain·es, déféré·es devant le parquet puis mis·es en examen pour destruction de biens classés.
Au total, onze personnes sont visées par cette procédure judiciaire. Leur procès, ou plutôt celui des quatre statues, est prévu les 5, 6 et 7 novembre 2025 au tribunal de Fort-de-France.


2020



Adresse aux Français
Discours du président français, extrait en lien avec le déboulonnage des statues.
— 14 juin 2020



150 ans en République
Discours du président français, lors du 150ᵉ anniversaire de la république française au panthéon, extrait en lien avec le déboulonnage des statues.
— 4 septembre 2020



01 / 04



Statue de Victor Schœlcher à Fort-de-France, déboulonnée le 22 mai 2020



2020 : QUADRUPLE DÉBOULONNAGE


“Nous en avons assez, nous Martiniquais·es, d’être entouré·e·s de symboles qui nous insultent.”


#déchøukaj  #réparation  #réappropriation  

Le vendredi 22 mai 2020, en marge des manifestations commémorant l’abolition de l’esclavage en Martinique, deux statues de Victor Schœlcher ont été mises à terre. L’une se trouvait sur la place Légitime Défense du parvis de l’ancien palais de justice, à Fort‑de‑France — face à la rue Victor Schœlcher, à deux pas de la Bibliothèque Schœlcher — l’autre, à l’entrée du bourg de la commune voisine qui porte son nom. Deux mois plus tard, le dimanche 26 juillet 2020, deux autres statues ont été mises à terre, celles de Joséphine de Beauharnais et de Pierre Belain d’Esnambuc.


1/5 — Les quatre statues déboulonées en Martinique en 2020 
1/5 — Déchoukaj 22 Mé 2020
2/5 — Déchoukaj 22 Mé 2020
3/5 — Déchoukaj 22 Mé 2020
5/5 — Déchoukaj 22 Mé 2020


Le jour du premier double déboulonnage, un communiqué non signé diffusé dans les rues, envoyé aux médias proclame le 22 mai,  jour de célébration des existences fondamentales de tous les ancêtres qui se sont battus pour notre liberté, dont celle du Tanbouyé Romain.  
— Ci-dessous, des extraits de la lettre diffusée le 22 Mai 2020 :



22 Mai, la réparation par la réappropriation
[...] En 1848 à l'Habitation Duchamp, au Prêcheur, le Tanbouyé Romain bat son tambour au mépris de l'interdiction d'en jouer. Il est envoyé en prison, ce qui provoque la colère de milliers d'esclavagisé·e·s qui demandant sa libération. Une libération qu'ils obtiendront et qui déchaînera la colère des béké·e·s. Les habitations sont prises d'assaut, plusieurs béké·e·s sont tué·e·s. Le sang coule tellement que le décret est signé le 22 mai en urgence.

Pourtant, on nous raconte encore que c'est Victor Schœlcher, signataire de l’abolition de l'esclavage française qui est le sauveur du peuple noir Martiniquais. Non, Schœlcher n'est pas notre sauveur. Non, nous ne voulons plus que les habitations continuent d’effacer la mémoire de nos ancêtres au profit de leurs tortionnaires.

Non, nous ne demanderons plus la permission d'être respecté·e·s. [...]

Chers Martiniquais·es, les politien·ne·s en particulier, avant de condamner ces actes par le biais de communiqués de presse honteux, regardez-vous une dernière fois dans le miroir. Vous êtes les complices de cette prise d'otage des corps / des cœurs / des âmes Martiniquais·e·s. [...]

Si vous avez décidé de mettre l'ile en vente, sachez que l'Histoire n'oubliera pas. [...]



[source en cours de vérification]
Émancipation des nègres. Gendarmes et colons affrontant les esclaves révoltés au Prêcheur en Martinique en mai 1848
, lithographie de F. Lesmert — [date à confirmer]
Plusieurs dizaines d'insurgé·e·s et de colons sont tué·e·s, et l'abolition de l'esclavage est décrétée dans la colonie le 22 mai 1848.



22 mai 1848
Le 22 mai 1848, une foule immense d'esclaves venus des plantations environnantes converge vers Saint-Pierre pour exiger la libération de Romain. L'insurrection éclate : des milliers d'esclaves, hommes et femmes, armés de coutelas, de houes, de bâtons et de torches, envahissent la ville. [...] Plusieurs habitations et entrepôts sont incendiés [...] ; Les autorités coloniales sont rapidement débordées par l'ampleur du soulèvement. [...] On compte plusieurs morts et de nombreux blessés.

Face à l'insurrection généralisée, [...] le gouverneur, le général Claude Rostoland, se voit contraint de céder. Après avoir tenté sans succès de réprimer le mouvement [...], il prend une décision historique. Sans attendre l'arrivée du décret officiel du 27 avril [...], Rostoland proclame l'abolition immédiate de l'esclavage en Martinique le 22 mai 1848 vers 15 heures. Cette proclamation est immédiatement diffusée dans l'île.

Abolition de l'esclavage en Martinique, Wikipédia



22 mai 1983 · 1984
Pendant des décennies, cette journée de révolte des esclaves à Saint-Pierre en 1848 est restée dans l'ombre, occultée par le récit officiel centré sur Victor Schœlcher et le décret du 27 avril. Il aura fallu des luttes militantes, syndicales et politiques pour faire émerger le 22 mai comme symbole d'émancipation populaire.

Comment le 22 Mai est-il devenu un jour férié ?, France-Antilles — Mai 2025



21 et 22 mai 2020
Au rythme du Bèlè, des Martiniquais·es se sont recueilli·e·s dans diverses habitations — lieux de crime contre l’humanité, peuplés de sépultures de personnes déportées et mises en esclavage.


1/4 — En hommage à leurs ancêtres déporté·es, esclavagisé·es, des Martiniquais·es se sont recueilli·es dans diverses habitations — 21 et 22 mai 2020
2/4 — En hommage à leurs ancêtres déporté·es, esclavagisé·es, des Martiniquais·es se sont recueilli·es dans diverses habitations — 21 et 22 mai 2020
3/4 — En hommage à leurs ancêtres déporté·es, esclavagisé·es, des Martiniquais·es se sont recueilli·es dans diverses habitations — 21 et 22 mai 2020
4/4 — En hommage à leurs ancêtres déporté·es, esclavagisé·es, Martiniquais·es se sont recueilli·es dans diverses habitations — 21 et 22 mai 2020

LIEN(S)



Ralé i Ralé i, Eugène Mona — 1989



Difé Limanité, NIYABJA — 2020





Tjwé mwen Zansèt paka mò, NIYABJA — 2020


02 / 04



Habitant·e·s de la campagne à Fort-de-France, Martinique — env. 1900

1870 ° L’INSURRECTION DU SUD


22 septembre 1870
22 ans après l’abolition de l’esclavage, éclate l’Insurrection du Sud


#colonialisme   #histoire   #mémoire

Après l’abolition de 1848, la société martiniquaise demeure structurée selon les hiérarchies raciales et économiques héritées de l’esclavage. Les ancien·ne·s esclavisé·e·s et les engagé·e·s, contraint·e·s de travailler sous peine de poursuites pour vagabondage, ils·elles sont maintenu·e·s aux champs ou aux usines et subissent des conditions de vie extrêmement dures : journées interminables, tâches toujours plus lourdes, déplacements restreints par des passeports, impôts personnels élevés, ainsi que d’autres pratiques abusives telles que le « piquant » ou les salaires versés en « caïdon ». L’émancipation proclamée par l’abolition n’a pas mis fin à l’oppression : elle l’a fait muter, donnant à l’exploitation et à la domination coloniale de nouvelles formes, encore plus insidieuses.


1/9 — Marchandes de lait à Fort-de-France, Martinique [carte postale coloniale] — 1907
2/9 — Habitantes de la campagnes à Fort-de-France, Martinique [carte postale coloniale] ~ env. 1900
3/9 — La Rue Victor Hugo, Rivière-Pilote, Martinique [carte postale coloniale] ~env. 1900
4/9 — La Grand’Rue et le morne La Croix, Vauclin, Martinique [carte postale coloniale] ~ env. 1900
5/9 — Place du Marché, Saint-Pierre, Martinique [carte postale coloniale] — 1901
6/9 — Place du Marché, Marin, Martinique [carte postale coloniale] ~ env. 1900
7/9 — Groupe de réfugié·e·s, rue du Pavé à Fort de France, suite à l'éruption de la Montagne Pelée, Martinique [photographie] — 1902
8/9 — Marché en plein air, Rivière Salée, Martinique [carte postale coloniale] ~ env. 1900
9/9 — La Rade de Fort-de-France, Martinique [carte postale coloniale] ~ env. 1900

Ci-dessus, quelques archives visuelles du centre et du nord de la Martinique — entre 1880 et 1900


Début septembre 1870, alors que la misère liée à l’exploitation et le traitement raciste et colonial de l’affaire Léopold Lubin-Augier de Maintenon, alimentent le feu de l’insurrection à venir, le ministère de la marine et des colonies, dans une circulaire invitant à proclamer la république, ordonne de réprimer énergiquement toute tentative susceptible de troubler le travail colonial. Du Second Empire à la IIIᵉ République, rien ne doit ébranler l’édifice colonial : la priorité demeure la défense du statu quo.

La nouvelle de la proclamation de la IIIᵉ République se répand le 21 septembre 1870. Lubin, condamné à une lourde peine et emprisonné depuis août, n’étant toujours pas libéré, des révoltes éclatent dans le sud de la Martinique. Une vingtaine d’habitations sont incendiées — dont celle de La Mauny à Rivière-Pilote, appartenant au béké Codé, en fuite puis retrouvé et tué par les insurgé·e·s. Durant plusieurs jours, «  l’insurrection « la plus redoutable [...] depuis la révolte de Saint-Domingue » destabilise l’ordre colonial, avant d’être réprimée dans le sang par l’armée. Le bilan est tragique : une centaine d’insurgé·e·s tué·e·s, des centaines d’arrestations puis d’emprisonnements, 8 condamnations à mort, 5 exécutions par fusillade, environ 90 condamnations au bagne. Celles et ceux qui ont échappé aux troupes coloniales se terrent ou s’enfuient vers Sainte-Lucie ou la Dominique ; dont Louis Telga. La plus grave des accusations sera celle du complot. Pour maintenir l’ordre, la répression s’étend aux familles, brise les communautés, instaure un climat de peur, décourageant ainsi toute velléité de révolte future.


 Lumina Sophie
Parmi les insurgé·e·s, Lumina Sophie, âgée d’environ vingt-deux ans et enceinte de deux mois lors de l’Insurrection du Sud, est arrêtée le 26 septembre 1870 et incarcérée au Fort-Desaix. Le 28 avril 1871, elle donne naissance à un fils aussitôt séparé d’elle, qui meurt quelque mois plus tard en prison. Le 8 juin 1871, elle est condamnée aux travaux forcés à perpétuité avec déportation pour avoir incendié plusieurs habitations. Sa peine est alourdie par des accusations relevant moins du droit que du sexisme et du moralisme de l’époque : blasphème, menaces envers les hommes et volonté de les dominer. Déportée au bagne de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane le 22 décembre 1871, elle accepte en août 1877 d’épouser un autre détenu pour obtenir sa libération, mais meurt deux ans plus tard, le 15 décembre 1879, à l’âge de 31 ans, épuisée par la détention, la malnutrition et la maladie.



1/3 — Extérieur du « bagne des femmes » à Saint-Laurent du Maroni en Guyane [carte postale coloniale] ~ 1908-1910
2/3 — Bagne de Saint-Laurent du Maroni en Guyane — 2017
3/3 — Projet de construction d’ici à 2028 d’une nouvelle prison à Saint-Laurent du Maroni en Guyane © Ministère de la Justice — Mai 2025



Les insurgé·es du sud, “misérables, malfaiteurs” selon Victor Schœlcher


#colonialisme   #racisme   #paternalisme




« En réalité, pas de pays où une insurrection soit moins à craindre qu'à la Martinique. Il y a trois ans, quelques malfaiteurs, profitant des désastres de la mère-patrie et favorisés par des circonstances fatales, levèrent l'étendard de la révolte. Leur soulèvement a été comprimé en peu de jours. Il n'a pu dépasser les limites du quartier où il avait éclaté. Toutes les classes de la population ont fourni dos volontaires pour l'y étouffer
Ses chefs, au nombre de huit, ont payé leur crime de la peine capitale. Les malheureux qu'ils avaient égarés expient leur complicité au bagne ou dans les prisons. Ce souvenir apprend aux plus malintentionnés, s'il en existait encore, qu'ils auraient contre eux tout le monde, et au cas où il s'en glisserait parmi les noirs des campagnes, ceux-ci ont assez d'amis pour éclairer les crédules. Les travailleurs créoles ne songent pas le moins du monde à s'insurger et n'ont aucun sujet d'y songer. Ils n'ont aucune raison d'écouter les mauvais conseillers. Ils possèdent le suffrage universel ; ils contribuent, avec leur part de vote, à élire des députés à l'Assemblée nationale, à nommer les municipalités et le conseil général ; ils ont ainsi, dans la légalité, le remède possible à tout mal dont ils jugeraient avoir à se plaindre. » (p.21, p.22)


« Partout les cultivateurs creusent fort tranquillement leurs trous de cannes, nulle part un seul des soi-disant « émissaire du désordre » n’a été saisi et livré à la justice. [...]. Veut-on absolument que quelques misérables, qui seraient si justement appelés « des sauvages », eussent essayé de soulever les campagnes, de les entraîner à d’horribles forfaits. » (p.15)



Victor Schœlcher parle d’un « soulèvement [qui] n’a pu dépasser les limites du quartier où il avait éclaté », alors que l’Insurrection du Sud a démarré à Rivière-Pilote puis s’est étendue dans les communes suivantes : Saint-Esprit, Rivière-Salée, puis Sainte-Luce, Le Marin,  Sainte-Anne et Le Vauclin — derniers sites colonisés par les français.



Carte originale citée dans Septembre 1870 : l’Insurrection du Sud de la Martinique, Histoires Révolutionnaires Caribéennes, de Cases Rebelles — Septembre 2015
Carte de la Martinique partagée entre colons et « sauvages », Nicolas Sanson — 1650
100 ans après l’Insurrection du Sud, débute l’empoisonnement de masse au chlordécone en Martinique — 2020



« [...] l’insurrection du sud de l’île, en septembre 1870, [...] fut pleine de crimes ; un propriétaire blanc y périt d’une manière horrible, mais il est certain que la masse de la population de couleur, loin d’y prendre aucune part, contribua puissamment à l’écraser. M. Menche de Loisne, gouverneur du temps, dans sa brochure, Insurrection de la Martinique, dit : « Les insurgés étaient des gens sans aveu, plongés dans une ignorance profonde et animés de ces instincts mauvais qu’on retrouve dans les bas-fonds de toute société.....» » (p.14)

Polémique coloniale 1871-1881, (p.14) Victor Schœlcher — 1882
LIEN(S)






Bèlè nés lors de l’Insurrection du Sud de 1870 (audios provenant de vidéos datant de 2011 à 2012).

Septembre 1870 : l’Insurrection du Sud de la Martinique, Histoires Révolutionnaires Carïbéennes, Cases Rebelles — 2017
Archives Territoriales de Martinique
The Caribbean Photo Archive
Gallica (BnF)

Circulaire ministérielle du Ministre de la marine et des colonies — 7 septembre 1870
Insurrection de La Martinique : 22 septembre-1er octobre 1870, ex-gouverneur Charles Menche de Loisne — 1871
La grande conspiration du pillage, de l'incendie et du meurtre à La Martinique, Victor Schœlcher — 1875




03 / 04



Statue de Victor Schœlcher à Fort-de-France, Martinique — 1910

1900 ° LE MYTHE DU SAUVEUR BLANC


22 septembre 1904
Érection d’une statue en hommage au “libérateur de la race noire”


#colonialisme   #histoire   #mémoire

Les monuments dans l’espace public ne reflètent pas l’histoire, ils traduisent des choix mémoriels et politiques. Ériger des statues, dresser des bustes, renommer des rues, des édifices et établissements publics, relève d’un processus de construction mémorielle et politique destiné à imposer un récit officiel, à légitimer la domination coloniale et à façonner les représentations collectives. Déboulonner ces statues, loin d’effacer le passé, permet de mettre en lumière ce que l’histoire coloniale continue d’occulter, d’ouvrir la voie à une réappropriation réparatrice de l’espace public.


1/3 — Statue de Victor Schœlcher, Anatole Marquet De Vasselot, Fort-de-France, Martinique, une propagande empreinte de paternalisme colonialiste — 2011
2/3 — Le Palais de justice et la Statue de Schœlcher, Fort-de-France, Martinique — 1910
3/3 — Le Palais de justice et la Statue de Victor Schœlcher, Fort-de-France, Martinique ~ 1910


« Le grand abolitionniste est debout, penché de tout son être, dans une attitude de protection, vers une jeune esclave qui, les bras alourdis encore de ses chaînes brisées, lui envoie des baisers. À ce moment, et tandis qu’éclate un choeur d’enfants des écoles et que le canon du fort Saint-Louis gronde dans le lointain, la statue prend un relief saisissant. [...] Sa main gauche désigne quelque chose : qu’est-ce, sinon la route, parfois rocailleuse, que l’enfant libéré devra suivre obstinément, s’il veut réaliser les espoirs qu’on fonde sur sa tête et se montrer digne du pays, qui lui a donné l’être et de la France qui l’a fait libre ? » (p.46)

Le Monument Schœlcher à la Martinique. Inauguration de la statue du Libérateur de la race noire, Comité Schœlcher — 1905   

« [...] une belle statue [...], celle de Victor Schœlcher, libérateur de la race noire, paternellement incliné sur une jeune esclave dont les chaînes viennent de tomber, et qui, dans un geste touchant, lui envoie le baiser de la reconnaissance [...]. »

L’Annuaire de la Vie Martiniquaise II, Emile Sylvestre, Eustache Lotaut — 1947



L’abolition de l'esclavage dans les colonies françaises en 1848, François-Auguste Biard — 1849


Ce tableau représentant une scène d’émancipation dans les colonies, au moment de la proclamation de l’abolition de l’esclavage, s’inscrit dans l’imagerie coloniale. On y voit des esclavagisé·e·s à moitié nu·e·s, les yeux tournés vers le ciel, vers Victor Schœlcher ou vers le drapeau français. La plupart sont prosterné·e·s, formant une masse compacte aux pieds de colons richement vêtus de blanc. Cette attitude de soumission reconnaissante confère à la France et à ses représentants le rôle de libérateurs. La composition visuelle participe ainsi à une mise en récit falsifiée de l’abolition, effaçant délibérément les luttes et résistances des esclavagisé·e·s, perpétuant ainsi la fabrication d’une mémoire historique eurocentrée.






27 avril 1998
Extrait d’un journal télévisé alsacien rendant « Hommage à Victor Schœlcher, principal, unique artisan de l’abolition définitive de l’esclavage en France en 1848. Rappel de son combat et témoignage de l’un de ses descendants. » © INA — 27 avril 1998

LIEN(S)



La montagne est verte — (début XXᵉ siècle)

Paroles de « La Montagne est verte, les Schœlchéristes ! », veille chanson de 1848, citées dans Le Monument Schœlcher à la Martinique. Inauguration de la statue du Libérateur de la race noire  — 1905



Face à Face, Eugène Mona — 1994



Sé le 22 Mai, Djo Dezormo — 1976



— Paroles de Sé le 22 Mai, Djo Dezormo — 1976



— Djo Dézormo répond aux critiques après la diffusion de sa chanson Sé le 22 Mai, dénonçant l'imposture et le mythe schœlchériste, 44 ans avant le déboulonnage du 22 mai 2020. — 1976



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[extraits] Blocages dénonçant l’impunité des responsables de l’empoisonnement massif au chlordécone — 2020

LES 4 DÉBOULONNAGES DE 2020


2020 ° Déchøukaj 
des statues et monuments liés au colonialisme en Martinique


#déchøukaj   #colonialisme   #chlordecone  


Le 25 mai 2020, l’assassinat de George Floyd déclenche une mobilisation planétaire contre le racisme, les violences polières et les héritages coloniaux, renforçant les actions de déboulonnage des statues liées au colonialisme, principalement en Europe et en Amérique du Nord. Cependant, les déboulonnages de statues menés en 2020 en Martinique ne relèvent pas du mouvement Black Lives Matter. Ils s’inscrivent dans la continuité des appels au boycott et des blocages de fin 2019 à début 2020, qui dénonçaient l’impunité des responsables de l’empoisonnement de masse au chlordécone — dont la persistance dans les sols pourrait durer entre 4 000 et 11 000 ans. L’empoisonnement massif au chlordécone et autres pesticides n'est pas qu'un scandale sanitaire, c'est un crime colonial et d’état, qui révèle la continuité de la domination impérialiste française.

LIEN(S)



Joséphine de Djo Dézormo, chantant que la statue de Joséphine de Beauharnais devrait être jetée dans l’océan — 1978

France-Antilles
Cast in Stones
Archives Territoriales de Martinique 
Article de Libération — 2017

Déchøukaj
Terme haïtien réapparu à la fin du régime dictatorial des présidents Duvalier père et fils et qui vient du français « dessouchage », c'est-à-dire extraire la souche après l'abattage d'un arbre. [...] Le terme a été repris en Martinique comme l'élimination d'un élément de mémoire, essentiellement des statues renvoyant à la période esclavagiste, dans le cadre d'un processus de dé-commémoration.
Wikipédia






Victor Schœlcher 1804, Paris
1893, Houilles



Statue
Première érection à Sᵗ-Pierre en 1900
Détruite par l’éruption de 1902
Inaugurée le 22 septembre 1904

Main arrachée le 22 septembre 1991
Déboulonnée le 22 mai 2020

Saint-Pierre (1900-1902)
Fort-de-France, 
Martinique (1904-2020)
Statuts / Rôles
Journaliste
Essayiste
Sous-secrétaire d'état à la marine et aux colonies
Colonel d'état-major de la garde nationale
Député de Martinique et Guadeloupe
Membre du conseil supérieur des colonies
Sénateur inammovible

Originaire d’une famille bourgeoise en Alsace.
Causes du déchøukaj
Statue érigée en hommage au « libérateur de la race noire ».
Colonialiste.





Victor Schœlcher1804, Paris
1893, Houilles



Statue
Inaugurée en 1964

Déplacée et modifiée en 2004?
Défigurée vers 2007
Défigurée en 2013 
Refigurée en 2014
Redéfigurée avant 2019
Tagguée “Île À Vendre” en 2019
Déboulonnée le 22 mai 2020

Schœlcher, Martinique
Statuts / Rôles
Journaliste
Essayiste
Sous-secrétaire d'état à la marine et aux colonies
Colonel d'état-major de la garde nationale
Député de Martinique et Guadeloupe
Membre du conseil supérieur des colonies
Sénateur inammovible

Originaire d’une famille bourgeoise en Alsace.
Causes du déchøukaj
Statue érigée en hommage au « libérateur de la race noire ».
Colonialiste.





Marie-Josèphe-Rose de Tascher de La Pagerie 
— dite, Joséphine de Beauharnais
1763, Trois-Îlets
1814, Ruel-Malmaison



Statue
Inaugurée le 29 août 1859
Déplacée (ex-centrée) en 1974 
Décapitée le 22 septembre 1991
Fouettée pendant 20 minutes en 2012
Drappé de rouge-vert-noir en janvier 2020
Déboulonnée le 26 juillet 2020
Transformée en potager le 23 décembre 2020
Socle et jardin brûlés le 22 juin 2021
Buste taggué exposé au musée de la Pagerie

Fort-de-France, Martinique
Statuts / Rôles
Première épouse de l’empereur Napoléon Ier
Impératrice de France
Reine d’Italie
Duchesse de Navarre

Originaire d’une famille béké aux Trois-Îlets en Martinique.
Causes du déchøukaj Incarnation de la domination coloniale et esclavagiste.
Colonialiste.
Aurait joué un rôle dans le rétablissement de l'esclavage par Napoléon Bonaparte en 1802. 

Le préfet de la Martinique aurait donné l'ordre de ne pas intervenir pour empêcher la destruction de la statue.





Pierre Belain d’Esnambuc
1585, Allouville
1893, Sᵗ-Christophe



Statue
Inaugurée le 24 décembre 1935
Déplacée en 1974
Taguée en octobre 2018 et février 2020
Drappé de rouge-vert-noir en janvier 2020
Incendiée mi-juillet 2020
Déboulonnée et brûlée le 26 juillet 2020
Tête traînée dans les rues de Fort-de-France puis déposée sur les grilles de la préfecture.

Fort-de-France, Martinique
Statuts / Rôles
Marin, Flibustier
Colonisateur français
Premier gouverneur général des Antilles françaises

Originaire d’une famille de la petite noblesse d’Allouville en Normandie.
Causes du déchøukaj
Érigée pour commémorer le tricentenaire de la prise de possession de l'île de la Martinique par d’Esnambuc, en 1635.
Colonialiste. Esclavagiste.

Le préfet de la Martinique aurait donné l'ordre de ne pas intervenir pour empêcher la destruction de la statue.



FIN 2020 : PLAS KUDMEN-AN


Vestiges transformés
en jardin partagé


#lyannaj   #dékolonizékòw   #anchoukaj


      À la place de l’ancien monument à l’effigie de Joséphine de Beauharnais, pas de nouvelle statue, mais des légumes-feuilles et légumes-fruits cutltivés dans un potager en palettes de bois, ornées de messages tels que : « Lyannaj », « Dékolonizé kò’w », « Bélya lanati », « Bélya lézansèt ». D’autres messages, « État français raciste » , « Mort au colonialisme » ont été tagués sur les murets voisins. 
Le jardin partagé a été incendié le 22 juin 2021.






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